POMPÉI, les techniques en décoration

source Encyclopédia Universalis pour les textes

La fresque

Le stuc

Les graffiti

La grisaille

Les mosaïques

Les natures mortes

Raccourci

Le trompe-l’œil

Les ocres

Encadrement des oeuvres

La fresque.

fresque de la Villa des Mystères à Pompéi

La question de savoir si le "buon fresco" était vraiment pratiqué dans l’Antiquité a été longuement débattue. Pline et Vitruve apportent la preuve que les Anciens connaissaient le principe fondamental de la technique, et quelques-unes des œuvres de Pompéi (comme le fameux cycle de la villa des Mystères) montrent que cette méthode de peinture était certainement employée, mais sous une forme plus élaborée que celle utilisée plus tard.

Le stuc.

Maison des Samnites à Herculanum

À l’époque hellénistique, le stuc connaît d’abord un usage restreint, qui consiste à revêtir ou à compléter les ordonnances architecturales de pierre, comme l’attestent dès le IVe s. avant J.-C. les façades polychromes des tombes macédoniennes, et, un peu plus tard, les nécropoles alexandrines ; à la même époque, il pénètre dans l’ornementation intérieure où il est utilisé avec la peinture dans les décors du Ier style pompéien, qui imitent en relief la structure d’un mur, avec plinthe, orthostate à bossage, maçonnerie à carreaux et boutisses, pilastres et corniches. Dans la partie haute de la paroi se développent des pseudo-entablements de plus en plus complexes, associant des colonnettes, des corniches à consoles zoomorphes, des frises ornées de bustes d’animaux, bucranes, et autres motifs du répertoire architectonique dont les maisons de Délos, Pergame et Pompéi offrent les plus beaux exemples. La Campanie et en particulier les villes vésuviennes nous offrent jusqu’en 79 après J.-C. un panorama complet du stuc dans l’habitat : présent systématiquement dans les maisons, au moins sous forme de corniche moulurée, il orne également les bains et les nymphées, où il voisine avec la mosaïque. Dans le petit sanctuaire domestique de la maison du « Sacello Iliaco » (Regio I , Insula 6, maison no 4), une délicate frise mi-modelée, mi-peinte sur fond bleu illustrait un épisode célèbre de la guerre de Troie : le départ d’Hector au combat, son affrontement avec Achille, son corps traîné derrière le char du vainqueur et le rachat de sa dépouille par Priam. Mais c’est dans les thermes publics que se développent les programmes les plus ambitieux où le stuc assume sur d’immenses surfaces des décors proprement monumentaux et largement historiés. Les cortèges marins de Néréides, Tritons, dauphins et autres créatures aquatiques participent de la symbolique des lieux. À Pompéi encore, dans les thermes du Forum (VII 5), la frise de course de char du frigidarium (bain froid), ou l’Éros éphébique de la voûte du tepidarium (pièce tiède) renvoient à l’univers grec du gymnase.

vestiaires des thermes de Stabies à Pompéi

Les voûtes des vestiaires des thermes de Stabies (VII 1,8) offraient aux baigneurs leurs réseaux complexes d’hexagones, d’octogones ou de médaillons habités de figures volantes, Saisons, Ménades, Satyres et Amours ; sur le mur de la Palestre, une fausse architecture imitant une frons scenae (mur de scène) décorée de portiques, de pavillons et de tholos, était habitée de personnages divins. Les thermes suburbains récemment fouillés de la Porta Marina possèdent une lunette ornées de ces mêmes architectures inspirées du IVe style pompéien qui constituent une mode typique de cette époque. On les retrouve encore dans le caldarium (bain chaud) des thermes suburbains d’Herculanum, tandis que des figures de guerrier grec en haut relief se détachaient sur les murs d’un vestibule. Notons que dans d’autres bâtiments publics plus prestigieux, le Colisée (vers 80 apr. J.-C.) à Rome ou le théâtre d’Ostie (fin du IIe s. apr. J.-C.), le stuc sera employé pour décorer les accès principaux.

Les graffiti.

CORNELIUM à Pompéi

Les graffiti figuratifs de gladiateurs relevés par Garruci à Pompéi contiennent, en plus des renseignements sur les armes et les vêtements des combattants, des renseignements précieux sur le déroulement des combats eux-mêmes. Dans la première illustration de l’atlas de Garruci, on voit se confronter les gladiateurs Antigonus et Superbus. Le premier, déjà vainqueur dans de nombreux combats, à en croire ce graffite, est armé comme un rétiaire d’un trident, et aussi d’un petit bouclier et d’un glaive ou d’un sabre court. Le second, vainqueur d’un seul combat auparavant, est armé, lui, comme un samnite, d’un bouclier long et d’une épée courte. Le laniste de ce dernier, Casuntius, lui déconseille d’engager la lutte avec un adversaire aussi expérimenté. Il est permis d’en conclure que ce genre de combat ne se terminait pas toujours d’une façon aussi sanglante que le prétendent certains auteurs anciens et modernes, au moins quand il s’agit, comme dans ce graffite, d’un combat entre deux personnes libres. Les graffiti littéraires grecs et romains contiennent aussi des renseignements précieux. Ils ont pu éclaircir plus d’une fois l’histoire politique et la vie quotidienne de leur époque et mettre en évidence l’évolution du latin et du grec vulgaires. Les milliers de graffiti enregistrés à Pompéi et à Herculanum constituent un monument unique de la vie quotidienne dans l’Antiquité : par un cas extraordinaire, le provisoire qui leur est propre dure encore près de deux mille ans plus tard. Le train journalier du menu peuple d’une petite ville de province s’y manifeste dans toute sa bigarrure... » Mais les murs de Pompéi ont été surtout dépositaires des sentiments humains : amour, affection, haine, rancune, jalousie, joie, tristesse s’y épanchent en acclamations, salutations, imprécations, moqueries adressées à « celui qui le lira », et ainsi de suite. Rien d’étonnant si l’esprit proprement vulgaire, enclin à la grossièreté, n’y est que trop prononcé. Des Pompéiens eux-mêmes devaient s’offenser de la graphomanie de leurs concitoyens, témoin le fameux distique : "Admiror, paries, te non cecidisse ruinis Qui tot scriptorum taedia sustineas" (« Je m’étonne, ô mur, que tu ne sois pas tombé en ruine sous le fardeau insupportable de tant d’écrits »).

La grisaille. Le terme de grisaille désigne une peinture traitée en monochromie pour imiter le bas-relief à l’aide d’une dégradation entre le noir et le blanc de valeurs grises. Cette monochromie peut être établie également à partir d’une gamme chromatique différente à base de vert, par exemple, comme dans les fresques du "chiostro verde" peintes par Uccello (Santa Maria Novella, Florence, env. 1447-448). Le procédé a été utilisé dès l’Antiquité à Pompéi et à Herculanum comme le mentionne Pline quand il évoque les monochromata (Hist. nat., XXXIII, 117 et XXXV,56).

Les mosaïques.

Mosaïques de la villa du Faune à Pompéi

Dans la phase la plus ancienne, les pavements des maisons sont en aggloméré de chaux avec des fragments de terre cuite et de pierres ou de marbres de couleur. Sous l’influence hellénistique (fin du IIe siècle av. J.-C.) se répand l’usage du pavement de mosaïque, composé soit de petites tesselles de marbres, soit de marqueteries de marbres taillés de différentes formes (opus sectile ; parmi les plus anciens, celui de la cella du temple d’Apollon). Dans les pavements de tesselles blanches et noires sont insérées des mosaïques figurées en couleurs, qui imitent presque toujours des peintures. La mosaïque n’atteindra son autonomie figurative qu’à une époque bien postérieure à la destruction de Pompéi. Parmi les mosaïques qui imitent des peintures, il faut mentionner les deux célèbres compositions signées par Dioscoride de Samos , provenant de ce qu’on appelle la « villa de Cicéron », ainsi que la célèbre mosaïque de la Bataille d’Alexandre. Cette dernière s’inspire d’une peinture souvent mentionnée, de Philoxenos d’Érétrie (fin du IVe s. av. J.-C.). Elle décorait une salle ouverte (exèdre) située entre deux salles à manger et donnant sur le grand portique de la somptueuse « maison du Faune ». Des sondages effectués dans cette maison ont révélé cinq phases de construction antérieures à celle qui reste visible aujourd’hui. Les Romains, en adoptant la civilisation et l’art des Grecs qu’ils avaient vaincus, ont emprunté aussi la mosaïque. Les plus anciens pavements romains de caractère artistique, datant du début du Ier siècle avant l’ère chrétienne, ont été trouvés à Pompéi, à Palerme et à Malte. Quelques-uns, d’un style hellénistique à peine modifié, comptent parmi les plus beaux échantillons de cet art (tableaux de la casa del Fauno à Pompéi, par exemple). La mosaïque de pavement courante, appliquée de plus en plus fréquemment dans l’architecture romaine privée et publique, comporte de simples dessins géométriques en noir et blanc : damiers, cercles entrelacés, combinaisons de losanges, de carrés et de cercles, motifs végétaux stylisés. Au cours du Ier siècle de notre ère, elle pénètre sous cette forme dans toutes les provinces de l’Empire. Des écoles locales modifient les modèles reçus de la métropole, les enrichissent de couleurs et d’ornements nouveaux.

Les natures mortes :

Mosaïques de la villa du Faune à Pompéi

 

« Carpe diem ». La nature morte en tant que genre pictural à part entière trouve son origine en Grèce, au début de la période hellénistique, quand apparaît, à côté de la peinture monumentale (mégalographie) ou sur panneau d’inspiration mythologique et historique, un art tourné vers la nature et la vie quotidienne, privilégiant la description de victuailles, de fleurs et de menus objets (rhopographie). De cette production ne nous sont parvenus, hélas, que des copies et des dérivés tardifs : mosaïques et fresques romaines du Ier au IVe siècle avant J.-C., découvertes notamment en Campanie (Pompéi, Herculanum) et sur certains sites d’Afrique du Nord. Selon le témoignage de Pline l’Ancien (Histoire naturelle), le plus illustre adepte du genre aurait été un certain Piraeicos (IVe-IIIe siècle ?), auteur de tableaux (tabellae) représentant des artisans au travail, des animaux ou des « provisions de bouche et autres denrées du même type » (obsonia ac similia), qui font penser aux xenia, ces présents de vivres que les Grecs fortunés mettaient à la disposition de leurs hôtes. Le fait que Piraeicos ait été surnommé rhyparographos (« peintre de choses sordides ») est à mettre au compte d’une hiérarchie des valeurs esthétiques, d’inspiration littéraire, qui préfigure celle en vigueur en France au XVIIe siècle, mais dissimule mal le succès d’un genre prisé avant tout pour ses effets illusionnistes : le trompe-l'œil. En marge du domaine proprement pictural, on peut mentionner également les fruits et les poissons d’argile modelés et peints par Possis, un artiste grec connu de Pline d’après le témoignage de Varron, qui le vit à Rome. Art plus sensuel que didactique, avant tout destiné au décor des salles d’apparat et de festin des demeures patriciennes (à Rome, elle se conjugue souvent à l’art des « grotesques », elles-mêmes riches en motifs végétaux), la nature morte antique n’en revêt pas moins parfois une résonance morale : le combat de la langouste et du poulpe, visible au centre de la magnifique mosaïque marine de la villa du Faune à Pompéi, la perdrix morte accompagnée de deux grenades mûres, qui compose le sujet d’une fresque d’Herculanum, ne sont-ils pas, en même temps que des invites épicuriennes à jouir de la beauté de la nature et des plaisirs d’ici-bas, de troublants rappels de la précarité de la vie, des "Carpe diem" en somme ? N’est-ce pas aussi de Pompéi que provient la première Vanité de l’art occidental : une mosaïque au crâne, illustrant la sentence : Mors omnia aequat ?

Le raccourci.

quelque part à Herculanum...

Terme désignant un effet visuel qui tend à exagérer la perspective par une réduction de celle-ci. La théorie perspective a considérablement facilité la représentation du raccourci. En Italie, dès le XVe siècle — en dépit des conseils de prudence d’un Alberi —, le scorcio était devenu l’un des thèmes fondamentaux de l’enseignement des ateliers. Les effets de raccourci sont connus dès l’Antiquité : la céramique grecque, la peinture gréco-romaine, comme à Pompéi (par exemple, dans la décoration murale de la célèbre villa des Mystères). On utilise de nouveau ce mode de représentation, surtout à la fin du Moyen Âge, lorsqu’on accorde plus d’importance à la figuration spatiale ; les peintres organisent leurs compositions autour d’un point de fuite unique et obtiennent ainsi des effets parfois surprenants. À la Renaissance, le développement du dessin d’observation confère au raccourci une valeur plus grande encore à mesure que progressent les études anatomiques (particulièrement celles de Léonard de Vinci et de Michel-Ange). Il devient alors le moyen plastique de relier de manière illusionniste l’espace réel où se tient le spectateur à celui du tableau, comme dans maints tableaux maniéristes (de Pontormo, par exemple), à la suite de la célèbre démonstration faite par Mantegna dans le Christ mort de 1480 (galerie Brera, Milan).

Le trompe-l’œil.

Maison des Vettii

On pourrait dire que le trompe-l’œil est une représentation destinée à donner l’illusion de la réalité, si cette définition n’était également applicable à presque toutes les œuvres d’art de conception réaliste. Le trompe-l’œil naît quand la volonté de « tromper » l’emporte sur l’intention esthétique et incite l’artiste à utiliser tous les artifices techniques possibles, le premier étant l’intervention de la troisième dimension, d’une perspective qui fait « sortir » un ou plusieurs objets de la surface du panneau, de la toile, de la paroi lorsqu’il s’agit d’un décor mural. L’histoire du trompe-l’œil commence, dans la légende, avec la grappe de raisin peinte par Zeuxis (env. 464 avant J.-C.) de façon tellement véridique que les oiseaux venaient la picorer ; dans les musées, elle commence avec les fresques de Pompéi figurant des loggias ouvertes sur des jardins, des portes entrebâillées où se profilent de fines silhouettes, et surtout des éléments d’architecture (colonnes, corniches, frontons) représentés en saillie dans la salle et « sortant » du mur. L’esthétique du trompe-l’œil prévaut dans la peinture grecque, inspirant entre autres chefs-d’œuvre la mosaïque dite asarotos oïkos (« la chambre mal balayée ») de Sosos de Pergame (IIIe siècle avant J.-C. ; perdue, mais connue par une copie du IIe siècle apr. J.-C.). C'est l’exemple le plus surprenant de l’illusion calculée : sur le pavement sont « tombés » les reliefs du repas, pelures de fruits, miettes, débris de toutes sortes. La peinture médiévale, essentiellement religieuse et édifiante, ne se préoccupe pas de ces jeux, qui réapparaissent à la Renaissance dans la peinture profane.

Les ocres.

quelque part à Herculanum...

Les ocres rouges proviennent de la combustion de l’ocre jaune ou d’une terre rouge — variété d’hématite (Fe2O3) associée à différentes impuretés (argile, silice, titane...). D’une très grande variété de coloration — du rouge rosâtre au rouge violacé — elles furent utilisées dans les peintures de Pompéi et d’Herculanum en particulier.

Encadrement des oeuvres.

musée archéologique de Naples

Dès l’Antiquité, certains portraits du Fayoum, par exemple, sont déjà encadrés par une petite baguette de bois. Sur les fresques de Pompéi et d’Herculanum, le rôle des bordures-fenêtres est évident et l’on ne sait plus parfois si le peintre représente, en trompe l’œil, un tableau suspendu au mur ou une fenêtre ouverte sur les jardins.