I – Ce qu'on voit dans l'image

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  • Cette image est une reproduction tirée du deuxième album de la série « Persépolis » de Marjane Satrapi. Elle fait partie du premier chapitre qui s'intitule « Le Voyage ».
  • Il s'agit de la reproduction d'une page d'une bande dessinée en noir et blanc, avec textes manuscrits et dessin.
  • La maison d'édition « L'Association » a regroupé en un volume les 4 albums qui composent cette série parue entre 2000 et 2003.
  • Marjane Satrapi est née en 1969 à Rasht, dans la région de Guilan, sur les bords de la mer Caspienne. Elle grandit à Téhéran, Iran, où elle étudie au lycée français, avant de partir à Vienne puis à Strasbourg en 1994 pour suivre les Arts déco. La première BD que Marjane ait aimé, c'est "L'Ascension du haut mal", la série autobiographique de David B.
  • « Persépolis », c'est le récit autobiographique d'une enfance iranienne dans les années 1980, de la guerre à l'exil. Le film tiré de cet album est sorti le 27 juin 2007.



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  • Qu'on le veuille ou non, quelle que soit notre culture, nous rentrons dans l'image par la gauche et nous en ressortons par la droite.
  • Au premier contact, nos yeux se posent en haut, au milieu de l'image, dans la zone claire du tapis. Plusieurs éléments influencent notre regard : c'est une zone de fort contraste clair/foncé, donc attirante ; les lignes obliques convergent vers cette zone comme les fuyantes d'une perspective et guident notre regard ; les volutes blanches du fond s'élèvent de bas en haut ; les représentations de l'Homme dominent les représentations des choses. On voit déjà ce qui représente le vivant.
  • Ensuite notre regard descend sur la tête de la femme située au centre de l'image (autre représentation humaine), à la croisée des diagonales puis parcours l'ensemble de l'image.
  • On quitte l'image en lisant le texte en bas à droite : « c'était merveilleux ».
  • Par l'utilisation du noir et du blanc, les choses existent par l'ombre et la lumière. C'est ce qui nous permet de voir les volumes, les profondeurs. L'éclairage ne semble pas cohérent à droite et à gauche de l'image. Mais c'est un des avantages du dessin sur la photo. Prendre quelques libertés pour mettre en valeur la composition. Les deux zones blanches de part et d'autre du fond nous renvoient au centre de l'image. L'œil est canalisé.



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  • Dans le haut de l'image, au centre, trois personnages sur un tapis. Un homme, une femme et une jeune fille. Au centre de l'image, la tête d'une femme.



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  • En bas à gauche, six arcades superposées en deux colonnes. Quatre sur un fond noir, deux sur un fond blanc. Le fond blanc est arrondi en partie haute.
  • En bas à droite, au dessus du texte, un rectangle penché renferme trois séries d'arcades. Une des trois séries est sur fond blanc.
  • Sur la droite de l'image, verticalement, trois fenêtres superposées. Deux sont fermées par des volets partiellement ouverts. Une est complètement fermée. Du linge est accroché aux deux fenêtres supérieures.



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  • La partie centrale de l'image représente des courbes blanches sur un fond noir. Plus denses en partie basse, plus espacées dans le haut. Certaines de ces lignes, dans la partie centrale, suggèrent la robe d'une femme.



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  • En haut de l'image, un cadre contient un texte qui nous dit : « La situation s'aggravait de jour en jour. En septembre 1980, mes parents organisèrent subitement un voyage avec moi. Comme s'ils sentaient que bientôt ce ne serait plus possible. La suite leur donna raison... Nous partîmes donc pendant trois semaines en Espagne et en Italie... »
  • En bas à droite de l'image, un cadre contient un texte qui nous dit : « ...c'était merveilleux ».



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  • Le cadre de l'image en forme de rectangle vertical induit généralement une composition dynamique. Les droites obliques convergentes renforcent cette idée d'élévation. Les nombreuses volutes du fond s'élèvent de bas en haut, d'une zone dense vers une zone plus calme en donnant la sensation de vibrer.
  • Verticalement, la règle des tiers (division par trois proche de la division harmonique) met en évidence deux zones calmes où la droite domine (à gauche et à droite), encadrant la zone centrale dans laquelle s'exprime le mouvement et la vie par la présence des courbes et des personnages.
  • Horizontalement, la division par trois isole le tapis et ses occupants du bas de l'image.



II – Ce que l'image nous évoque (l'interprétation dépend beaucoup des références culturelles de chacun)

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  • Le vécu de l'artiste et le texte au dessus de l'image, nous donnent les clés pour la compréhension de celle-ci : Situé dans le haut de l'image, le tapis évoque un tapis volant, tapis légendaire utilisé comme moyen de transport aérien. Cet objet magique apparaît dans la mythologie perse et arabe, et dans le folklore russe (Source Wikipédia). Il évoque la provenance des voyageurs : l'orient. Les volutes du fond qui l'entourent représente l'air, le ciel.
  • Le voyage commence en Espagne. Les éléments suivants nous le montrent : les arcades à gauche évoquent une arène dans laquelle se déroulent les courses de taureaux ; la femme au milieu de l'image nous fait penser à une danseuse de flamenco. Silhouette imprécise au milieu des tourbillons. Elle n'est pas sans rappeler la danseuse qui décore les paquets de cigarettes, évoluant au milieu de la fumée (blanche...).

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  • Puis le voyage se poursuit en Italie. Ce pays est évoqué par la tour penchée, la tour de Pise ; par les persiennes entre-ouvertes qui filtrent la lumière, la chaleur ; par le linge qui sèche aux fenêtres.
  • Géographiquement, l'Espagne est à l'ouest de l'Italie,donc à gauche, comme sur le dessin. Entre les deux, la mer. Elle est représentée dans le bas de l'image par les volutes en forme de vagues.
  • Ces volutes se transforment peu à peu pour devenir des flammes. C'est de celles-ci que nait la danseuse. Le feu évoque le rouge, la vie, la chaleur, le mouvement... le flamenco.



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  • L'air, l'eau, le feu, la terre (assimilable aux matériaux des bâtiments) : les quatre éléments de la vie sont réunis.



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  • L'espace immobile des bâtiments s'oppose à l'espace en mouvement du centre de l'image. Ils bloquent les deux côtés verticaux de l'image. Les courbes n'ont pas d'autre issue que le dessus de l'image, vers le ciel, la liberté. Mais cette liberté est toute relative. Assis sur leur tapis volant, Marjane et ses parents sont emprisonnés par ce rectangle. Impossible de rejoindre le monde d'en bas.
  • L'orient en haut et au centre, dans la tourmente des volutes, l'occident en bas et sur les côtés, dans le calme de ses bâtiments baignés de lumière, la tête de la danseuse au centre. Par sa situation dans l'image, c'est peut être l'élément le plus important. Cette femme par son mouvement s'oppose à la posture statique des voyageurs. Elle peut évoquer la liberté. Celle qui fait rêver, inaccessible.
  • L'axe vertical de l'image, en passant par les quatre personnages, les met en relation. Finalement, vivre libre, c'est peut être possible par le rêve, le voyage : « ...c'était merveilleux ».
  • Inséré entre les deux vignettes (le texte du haut et le texte du bas), le dessin représente le non dit du texte. Un dessin vaut mieux parfois qu'une longue description ; c'est le cas ici. Les trois points de suspension qui terminent le texte du haut introduisent l'illustration : c'est le développement. Le texte du bas se rattache au dessin par les trois points de suspension qui le commence : c'est la conclusion et « ...c'était merveilleux ».






III – Ce que nous apporte cette image
1 - La recherche d'indices dans le livre :

  • 13 - Chaque fois que l'auteur utilise les volutes autour des personnages, c'est pour évoquer le rêve.




2 – La recherche d'indices à partir du livre :

  • On peut voir dans certaines vignettes des références à des œuvres d'art :




  • 15 - Un bas-relief des ruines de Persépolis : les Gandhariens (Apadana, escalier Est) (-521, -531)






3 – Un axe de recherche autour de la volute, de l'arabesque, de la spirale :

  • 17 - D'où proviennent ces volutes ?







  • 20 - De Vincent Van Gogh ?... la Nuit étoilée (1889), Portrait de Joseph Roulin (1889)



  • 21 - Du Land Art ?... Robert Smithson, Spiral Jetty,Great Salt Lake, Utah (1970), Andy Goldsworthy : Pebbles Broken & Scraped



  • 22 - Ou peut être de Sonia Delaunay Arabesques on a Leaves backgroung, Wood block printing on muslin of silk, (Paris 1929) et des impressions sur textiles




  • Mais les spirales ont-elles toutes la même symbolique ?...